Honoré Puil est intervenu, au nom du groupe PRG, à l’occasion du Conseil municipal du 8 juin 2009, au sujet du soutien que la Ville de Rennes apporte à la Ligue de l’Enseignement. Un soutien non seulement matériel, mais aussi moral, dans une période où la laïcité est piétinée par les plus hautes autorités de la République.
Monsieur le Maire,
Chers collègues,
A travers le soutien, tant matériel que moral, que nous apportons à la Ligue de l’Enseignement et à la Fédération des Associations Laïques d’Ille-et-Vilaine, la Ville de Rennes et la municipalité ont l’occasion de réaffirmer leur attachement aux valeurs laïques.
Vivre en intelligence : ce n’est pas seulement une formule qui figure sur les supports de communication de la Ville de Rennes. C’est aussi une devise qui prend ses racines dans le combat laïque qu’ont mené nos prédécesseurs. Un combat au service de la liberté, de l’égalité, de la fraternité ; un combat au bénéfice de tous.
J’ai – comme beaucoup d’entre nous ici – en mémoire les mots que prononça Albert Bayet en 1946, devant le congrès de la Ligue : “En défendant l’idéal laïque, nous ne défendons pas une conception particulière qui nous serait propre et qui nous dresserait contre une fraction d’être humains quelle qu’elle soit ; nous défendons des principes qui pourraient, qui devraient être communs à tous les hommes vivant, raisonnant et réfléchissant aujourd’hui“.
Cet attachement prend, en 2009, un sens particulier, à une époque où les atteintes à la laïcité sont de plus en plus courantes, venant parfois mêmes des plus hautes autorités de l’Etat.
Je ne reviendrai pas sur les multiples propos provocateurs du président de la République, à Saint-Jean-de-Latran, à Riyad, ou lors du dîner annuel du CRIF, vantant les mérites d’une laïcité positive qui ne serait qu’une désincarnation de la loi de 1905, et l’institutionnalisation des communautarismes servis par des religions d’Etat. Samedi dernier encore, Nicolas Sarkozy a approuvé les propos ambigus tenus au Caire par Barack Obama.
Je ne m’étalerai pas non plus sur la commande faite l’an dernier à Simone Veil de préconiser l’introduction dans la Constitution du principe de diversité, dont on sait comment il pourra être utilisé par la droite pour étiqueter les Français selon leur couleur de peau, leur origine ou leur lieu de naissance.
J’ai encore en tête les propos d’Emmanuelle Mignon, selon laquelle la Scientologie est une religion comme une autre, sans aucun danger pour notre République.
Plus récemment, deux exemples nous montrent à quel point la laïcité est devenue une notion étrangère à nos gouvernants.
Le premier, c’est la proposition de loi Carle examinée le 15 juin prochain par l’Assemblée Nationale, qui prétend régler le problème de l’article 89 de la loi du 13 août 2004, mais qui, en réalité, entend graver dans le marbre la “coexistence harmonieuse des deux écoles autour d’un équilibre défini par contrat”. Il s’agit de faire passer l’idée selon laquelle l’école privée concourrait au service public d’éducation, de la même manière que l’école publique. Cela revient à reconnaître, de fait, une mission de service public aux écoles privées qui sont pourtant des entreprises n’ayant aucune des obligations des écoles publiques (laïcité, obligation d’accueil de tous les élèves, continuité de service et gratuité pour les familles) et de contraindre les communes à financer des écoles privées en dehors de leur territoire.
Pour les Radicaux de Gauche, cela est inacceptable, et en l’occurrence, la seule clarification possible reste l’abrogation de cet article 89 – tant décrié – et le retour à la situation antérieure qui convenait à tout le monde, puisque personne ne s’y était opposé auparavant.
Autre exemple : l’accord signé entre la France et le Vatican sur la reconnaissance des grades et diplômes dans l’enseignement supérieur. Par cet accord, le Gouvernement permet la reconnaissance automatique par la France des diplômes visés par le Vatican, et ce sans passer, comme c’était le cas jusqu’à aujourd’hui et depuis 1880, par la labellisation et l’aval de l’Université publique. Ce qui revient à entamer le monopole de l’Etat dans la délivrance des diplômes universitaires, et donc par voie de conséquence à remettre en cause la neutralité de l’Etat et le principe de laïcité.
A l’heure où l’Enseignement supérieur vit déjà une crise grave, le Président de la République et le Gouvernement viennent rajouter à la confusion, en sapant les fondations de l’enseignement public.
Les Radicaux de Gauche appellent en conséquence tous les citoyens, associations, élus, à dénoncer cet accord.
On le voit, à travers la délibération de ce soir, il n’est pas seulement question de relations contractuelles entre la Ville et cette grande dame qu’est la Ligue de l’Enseignement. Il ne s’agit pas seulement de la mise à disposition de locaux, mais bel et bien de valeurs et de principes pour lesquels nous devons plus que jamais nous battre, ici à Rennes comme ailleurs.