
Intervention d’Honoré Puil au Conseil municipal du 2 février 2009
Monsieur le Maire,
Chers collègues,
Le groupe Radical de Gauche est relativement perplexe devant le vœu qui nous est présenté ce soir. Régulièrement, en effet, notre conseil municipal est amené à se prononcer sur cette sempiternelle question de la “réunification” de la Bretagne. Pour nous, cependant, cette question n’a pas à figurer dans notre agenda politique, tant nos concitoyens attendent de nous que nous nous occupions de leurs vrais problèmes : emploi, logement, pouvoir d’achat, éducation, réchauffement climatique.
Ce débat, initié par Nicolas Sarkozy, vise sans aucun doute à éviter de parler de ces choses qui fâchent, et à tenter de diviser les élus et populations des deux régions concernées, la Bretagne et les Pays-de-la-Loire. Il faudra que l’on m’explique pourquoi cette question est subitement devenue une priorité de l’action publique ! L’UMP, d’ailleurs, a toujours été contre la “réunification”, mais semble aujourd’hui changer de position, sur ordre de l’Elysée…
Sur le fond, nous n’avons jamais été favorables à une “réunification” de la Bretagne qui poserait plus de problèmes qu’elle n’en règlerait. Ce sujet a été mis sur la table par le président de la République, le PRG est donc prêt à participer à la réflexion, sans exclusive, sur l’avenir de nos territoires.
Le texte proposé n’est pas imprégné de l’encre des positions les plus extrêmes, les plus communautaristes et les plus caricaturales. Nous retenons surtout dans ce texte la création d’une commission d’experts en charge d’examiner la future architecture de la Bretagne mais il ne s’agit pas pour autant d’un ralliement des élus PRG rennais aux positions du Conseil régional de Bretagne, qui a déjà fait son choix et parle explicitement d’une “réunification”.
Cette commission devrait examiner au moins trois hypothèses : le statu quo actuel avec une Bretagne à quatre départements, une Bretagne à cinq départements incluant la Loire-Atlantique, ou encore, l’élargissement de la région Bretagne à d’autres départements, en vue d’une Région Armorique, ou d’une grande région Ouest. A l’époque de la mondialisation, ne faut-il pas en effet imaginer un autre territoire qui serait peut-être plus pertinent à l’échelle européenne, même si – chacun le sait – la taille n’est pas par essence un critère de réussite ?
Ce n’est qu’à l’issue de ce travail, qui comparera les avantages et les inconvénients de chacune de ces hypothèses, que les élus et les habitants pourront faire leur choix. Une question se pose en effet : devons-nous confier l’avenir de nos territoires aux Docteurs Folamour de la géographie ?
J’ai lu dans la presse le compte-rendu d’une réunion au plus haut niveau entre les représentants du comité “Bretagne Réunie” et des conseillers du président de la République. Alors que de nombreux sondages (certains étant vieux de près de dix ans) sont utilisés par les défenseurs de la “réunification”, ces derniers demandent au président Sarkozy de procéder par décret ou voie législative, pour aller plus vite ! Est-ce ça, le respect de la démocratie ? Je rejoins-là Christian Guyonvarc’h, Vice-président UDB de la Région Bretagne, qui – réagissant à cela – expliquait à juste titre qu’il fallait un référendum : “un territoire n’est pas un titre de propriété. On ne peut pas faire comme si ceux qui vivent aujourd’hui en Loire-Atlantique sont les mêmes que ceux qui y vivaient en 1941”.
Notre position est donc parfaitement claire : pas de modification de frontières sans large débat, suivi d’une consultation populaire.
Que pense la population de la Loire-Atlantique du choix que certains font pour elle ? La Loire-Atlantique est-elle si bretonne que certains idéologues l’ont décrété ? Les élus nantais souhaitent-ils s’engager dans une démarche visant à restaurer le Duché de Bretagne ? Pour l’instant, on fait beaucoup parler la population de Loire-Atlantique sur des sondages, mais ce qui compte c’est le vote ; on l’a vu en Corse, avec la réforme institutionnelle proposée en son temps par Nicolas Sarkozy, et finalement refusée par les électeurs.
Notons également que cette demande de rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne émane principalement des mouvements bretons pour des motifs culturels et historiques.
Mais quid des milieux économiques ? A-t-on pensé au secteur administratif qui ne manquera pas d’être touché par quelques rationalisations dans l’hypothèse d’une “réunification” (Rectorat, Agence Régionale de Santé, etc.) ? Que deviendront, finalement, les fonctions liées à la centralité ? Et je ne parle pas uniquement des sièges d’institutions régionales et d’administration. Et puis, que faire de la Mayenne, et du reste de la Région Pays-de-la-Loire, démembrée et décapitée ?
Finalement, la coopération et le travail en réseau ne sont-ils pas des meilleures voies à suivre dans la mesure où cela permet de créer des synergies ? Regardons ce que nous faisons déjà avec Nantes, son agglomération, la Loire-Atlantique et les Pays de la Loire : l’Espace métropolitain Loire-Bretagne, la coopération culturelle (et nous en avons eu l’exemple la semaine dernière ), le syndicat mixte de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes, etc.
Toutes ces questions, nous voulons donc qu’elles soient abordées dans ce débat. Il nous revient, en tant que Ville de Rennes, d’y prendre part. C’est la raison pour laquelle nous voterons ce vœu, qui nous apparaît aller dans le bon sens.