
Chaque année, le Conseil municipal de Rennes est amené à donner son avis sur les mesures de retraits et d’affectations d’emplois dans les écoles maternelles et élémentaires de la ville. Cette année encore, nous nous interrogeons sur la capacité de l’État a permettre l’accueil des jeunes enfants de deux à trois ans, sachant qu’à Rennes, la demande des parents en ce sens est en constante augmentation. Toutefois, en 2011, le solde d’emplois sera positif, avec 12 affectations contre 4 retraits, sans compter les mesures conditionnelles.
Pour autant, cela ne doit pas faire illusion, car – nous le savons – la volonté du ministre de l’éducation nationale Luc Châtel est bel et bien de supprimer encore plus de postes dans les écoles que les années précédentes. Il a annoncé en effet, il y a quelques jours, qu’environ 1 500 classes seront fermées dans le primaire à la rentrée prochaine et au total 9 000 postes dans l’éducation nationale.
Ma famille politique ne souhaite pas faire de la question des moyens l’alpha et l’oméga de toute politique en matière d’éducation, mais doit-on pourtant se réjouir de ce « dégraissage » massif annoncé avec cynisme ? Doit-on en faire un élément de fierté ?
Je pense que non.
Ainsi que le mettait en évidence un article paru sur le site Rue89, la part de la richesse nationale consacrée aux dépenses d’éducation se rétrécit dans notre pays, passant de 7,6 % du PIB en 1997 à 6,6 % en 2008. L’article ajoutait que si l’effort de la Nation en direction de l’éducation était resté constant, ce sont 20 milliards d’euros en plus que l’État aurait du y consacrer.
Un autre chiffre mérite également un examen attentif : celui du nombre d’élèves par enseignant dans l’enseignement primaire. D’après les travaux de l’OCDE publiés l’année dernière, le taux d’encadrement en 2008 était en France de 19,9, soit l’équivalent du Royaume-Uni. À contrario, aux États-Unis, ce chiffre est de 14,4, presque le même qu’en Finlande, et il est de 10,6 en Italie.
La comparaison internationale montre donc qu’en France, il y a moins d’enseignants par élève qu’ailleurs – ce que semble oublier le ministre – et qu’en France, on investit de moins en moins dans l’éducation.
J’y vois pour ma part une conséquence notable : le creusement des inégalités face à l’accès aux savoirs.
À la volonté assumée de supprimer des postes et de fermer des classes, s’ajoute en effet le projet de mettre fin au collège unique. Véritable atteinte à la scolarité obligatoire jusqu’à 16 ans, cette mesure injuste priverait les jeunes des bases qui leur sont nécessaires dans un monde en perpétuelle évolution, où ils seront appelés à changer plusieurs fois de métiers. Pour nous, l’enjeu est d’accompagner les jeunes en difficulté et non de les exclure du système éducatif, car qui quitterait le collège à 14 ans ? Précisément les jeunes qui en ont le plus besoin !
L’une comme l’autre des mesures envisagées par le ministre Luc Châtel vont avoir un impact sur les territoires en mal de République : les zones rurales, déjà lourdement pénalisées par les fermetures de bureaux de poste, de gendarmeries et de perceptions, vont voir des écoles fermer ; les quartiers prioritaires, quant à eux, risquent de voir une grande partie de la jeunesse s’éloigner du monde de l’éducation.
Pendant ce temps, l’enseignement privé semble épargné par les mesures d’austérité du gouvernement. On connait tous ici la règle des 20 % : l’enseignement sous contrat représente en France 20 % des élèves, il peut bénéficier à ce titre de 20 % des moyens. Et bien nous demandons que les mesures de suppression de postes visent l’enseignement privé dans les mêmes proportions, ce qui est loin d’être le cas à l’heure actuelle.
Les 6 et 7 avril dernier se tenaient à Rennes les Rencontres Nationales de l’Éducation, preuve de l’attachement de notre ville à l’accès au savoirs pour tous, tout au long de la vie. Rennes, ville éducatrice, se doit donc de signifier à l’État que la politique de rétrécissement du système éducatif représente un gâchis sur le court terme, et un risque à long terme.
Honoré Puil