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Charte européenne des langues régionales ou minoritaires : pourquoi le PRG s’y oppose

Conseil de l'Europe

Plusieurs groupes du Conseil municipal de Rennes (PS, PCF, UDB et Alliance citoyenne) ont déposé un vœu en faveur de la ratification, par la France, de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Le groupe Radical de Gauche a voté contre, et s’en est expliqué. Un intervention d’Honoré Puil.

Monsieur le Maire,
Chers collègues,

Le groupe Radical de Gauche ne votera pas ce voeu. Comme sur d’autres sujets, notre position au regard de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires est constante.

Rappelons, tout d’abord, que la langue bretonne est un élément indissociable du patrimoine de notre région, avec plus de 200 000 locuteurs, selon les chiffres les plus récents.

Des moyens conséquents y sont consacrés tant par l’Etat que par les communes. La Région Bretagne, elle-même, a reconnu en 2004 le breton mais aussi le gallo comme langues de Bretagne. Un plan de sauvegarde de la langue bretonne a été voté toujours la même année par le Conseil régional. La région intervient également pour favoriser la formation des enseignants.Tout cela est positif.

Malgré cela il n’y a seulement que 14 000 jeunes de Bretagne à étudier le breton bien que l’offre soit de plus en plus conséquente et les moyens en augmentation.

Alors, comme tout cela ne fonctionne pas, en tout cas pas assez au goût de certains, il faut ressusciter par la force les langues régionales en faisant obligation aux autorités administratives et services publics et notamment au service public de la justice (qui bénéficie, dans la Charte des langues régionales ou minoritaires, d’un traitement particulier) de s’engager dans cette démarche.

Si la charte venait à être ratifiée, c’est ce vers quoi nous nous dirigerions puisque la charte oblige l’Etat signataire « à reconnaître un droit à pratiquer une langue autre que le français non seulement dans la vie privée, mais également dans la vie publique ».

Imagine-t-on un seul instant ce que cela représenterait ? Des permis de construire en breton ? Des mariages en breton ? Des dossiers de ZAC en breton ? Sans compter le coût énorme pour les finances publiques dans le contexte que vous savez, le tout pour un nombre de locuteurs qui reste limité.

Que l’on m’explique donc en quoi la traduction du corpus législatif et réglementaire en breton, la tenue de procès en breton, ou la célébration de mariages en langue bretonne contribuerait à la fois à enrayer le déclin de la langue bretonne, et à abolir une inégalité des droits et une discrimination entre les citoyens français.

On l’a vu, l’absence de charte n’empêche pas d’agir en faveur de la langue bretonne ; tout est question d’intensité et de niveau. D’ailleurs certaines dispositions de la charte sont déjà appliquées en Bretagne. Peut-être un peu trop largement car si on relit l’article 1b, elle ne devrait s’appliquer qu’au territoire historique de la langue ; ce qui n’est manifestement pas le cas de notre département… Celles et ceux qui réclament en permanence et depuis vingt ans la ratification de ce document devraient se méfier de cette disposition !

En raisonnant comme cela, on pourrait considérer que puisque le breton n’a jamais été parlé par des locuteurs natifs à Rennes, notre ville ne devrait rien faire pour soutenir la langue bretonne. Suivant ce principe à la lettre, on arrêterait de soutenir Skeudenn Bro Roazhon, on refuserait d’accueillir, dans les écoles publiques, des classes bilingues français-breton, on enlèverait toute la signalétique en langue bretonne qui trouve sa place actuellement sur l’espace public.

Il est, de plus, étonnant que les promoteurs de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires en ignorent le sens profond. Car, tout texte se lit aussi dans son contexte.

Derrière le rideau des Droits de l’Homme, on retrouve les idéologies adeptes de territoires ethniquement et linguistiquement purs.

La Charte européenne des langues régionales ou minoritaires ne vise pas à faciliter l’usage des langues d’origine par les migrants. Elle ne concerne que les langues de minorités dites “ethniques” rattachées depuis des siècles à un territoire bien délimité, quand il n’est pas revendiqué.

Droit du sang, contre droit du sol : les Basques, les Bretons, les Alsaciens seraient des minorités ethniques, mais ce ne serait pas le cas pour les descendants des travailleurs immigrés des années soixante, originaires du Maghreb, de Turquie ou du Portugal.

On le voit, faciliter l’accès aux droits à des citoyens européens ne maîtrisant pas les langues officielles des États où ils résident n’est pas du tout la préoccupation des initiateurs de la Charte.

La charte concerne, en France, 75 langues (le breton, mais aussi le bourguignon-morvandiau, le flamand occidental, le franc-comtois et le dialecte allemand d’Alsace et de Moselle) mais néglige celles qui sont utilisées dans la vie quotidienne par des centaines de milliers de personnes en France.

Tout cela au nom d’un lien supposé entre langue et territoire. Or, l’histoire (et celle de la Bretagne en particulier) nous montre que les territoires linguistiques évoluent – en s’élargissant ou en se rétrécissant – et que vouloir figer une langue en fonction d’un territoire, ou un territoire en fonction d’une langue, aboutit à des situations telles que l’on peut en connaître en Belgique dans la région flamande, où les francophones sont considérés comme des citoyens de seconde zone et où l’usage de la langue française est interdit jusque dans les musées !

La Charte européenne des langues régionales et minoritaires consiste à dire que les langues régionales et minoritaires, qui ont eu un rôle historique en Europe, peuvent disparaître si elles ne sont ni enseignées, ni pratiquées. Soit ! Mais ce n’est pas la situation de la France.

L’usage du breton est autorisé, dans la sphère privée, familiale, comme dans la sphère publique : dans les livres, films, chansons, sur Internet, à la radio, à la télévision.

Celui ou celle qui veut apprendre le breton a, à sa disposition, de multiples possibilités : l’enseignement scolaire bilingue, l’université, les cours pour adultes, des cours en ligne, des méthodes d’auto-apprentissage.

Celui ou celle qui veut transmettre le breton à ses enfants en a le droit et la possibilité. Une littérature jeunesse existe, un système scolaire distinct et spécifique a même le droit de cité et s’adresse à plus de 3 500 élèves, tout en étant largement soutenu par les pouvoirs publics.

Je ne crois donc pas à l’intérêt de cette démarche autoritaire. C’est donc, avec satisfaction, que nous avons constaté que le Président de la République emboîtait le pas à Jacques Chirac, Lionel Jospin ou Nicolas Sarkozy, tous ralliés au principe de réalité le moment venu. En 2008, les Radicaux de Gauche ont voté la réforme constitutionnelle et son article 75 qui dispose que « les langues régionales appartiennent au patrimoine de la France ». C’est aussi sur cette base qu’il est possible de défendre et promouvoir les langues régionales sans aller jusqu’à remettre en cause notre langue commune, le Français, et nous engager dans la voie de la division.

Républicains, universalistes, les Radicaux de Gauche seront toujours pour l’ouverture aux autres et au Monde et opposés au repli sur soi identitaire. Rennes, métropole européenne du XXIème siècle, ne doit pas perdre de vue que l’épicentre du Monde se déplace vers les pays émergents. Nos efforts doivent s’orienter vers la pratique des langues de nos partenaires : l’anglais, l’allemand, l’espagnol, le portugais, l’arabe, le chinois. C’est d’ailleurs ce qu’a compris Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, qui propose de lever les verrous à l’existence de cours dispensés en anglais (ou en toute autre langue) dans les cursus universitaires.

Les Radicaux de Gauche seront donc, ce soir, peut-être les seuls soutiens à la position du président de la république en ne soutenant pas le vœu présenté au conseil.

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