Madame la Maire, mes chers collègues,
L’Assemblée Nationale a adopté vendredi dernier le projet de loi “sécurité globale”. Dès samedi, de nombreux Rennais et Rennaises ont tenu à faire connaître leur opposition à ce texte à l’appel d’organisations professionnelles ou politiques dont le Mouvement Radical d’Ille-et-Vilaine. Nous étions ainsi plus d’un millier place de la république pour dire non à ce texte.
Ce projet de loi – dont on verra ce que la procédure législative lui réservera – est à ce stade porteur de risques considérables pour nos libertés : Risques d’atteintes à la vie privée, aux principes d’égalité devant la loi et de proportionnalité et d’individualisation des peines mais également à la liberté d’informer. Les Radicaux partagent l’avis du Conseil des Droit de l’O.N.U qui je cite : « L’information du public et la publication d’images et d’enregistrements relatifs à des interventions de police sont essentielles. Pour le respect du droit à l’information ». Elles sont aussi « légitimes dans le cadre du contrôle démocratique des institutions publiques », tout comme l’organisation, les syndicats de journalistes, des associations de défenses de droits de l’Homme et la Défenseure des droits, tous s’inquiètent d’une atteinte à la liberté fondamentale d’informer.
L’article 24 de cette proposition de loi, disons-le, attaque directement la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et entrave le travail des journalistes qui couvrent les manifestations. Un des points essentiels de cette loi est l’interdiction de diffuser des images des forces de l’ordre. En l’espèce, que dit cette disposition « Est puni d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende le fait de diffuser, par quelque moyen que ce soit et quel qu’en soit le support, dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, l’image du visage ou tout autre élément d’identification d’un fonctionnaire de la police nationale ou d’un militaire de la gendarmerie nationale lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police ».
Ce texte tend comme je l’ai dit précédemment à rendre le travail journalistique beaucoup plus contraint, n’est-ce pas là une entrave patente à la liberté d’informer ? Bien souvent des vidéos constituent des éléments de preuve pour la justice, sans ces preuves en image, les victimes de brutalité policière fort heureusement très minoritaires mais tout de même inexcusables auront encore plus de mal à obtenir justice, « l’État et les forces de l’ordre doivent faire preuve de transparence, et les citoyens doivent être en capacité de dénoncer les dérives qui existent »-JR.
Rappelons également que les menaces ou harcèlements dont pourraient être victimes les policiers sont déjà punis par la loi mais que le vrai sujet est celui des moyens donnés à notre institution judiciaire pour apporter une réponse rapide aux crimes ou délits constatés !
Autre point qui inquiète les Radicaux ; sont les dispositions de la proposition de loi qui autorisent par exemple la surveillance de manifestations par drônes, et la possibilité pour les autorités de recourir aux caméras aéroportées.
La Défenseure des droits Claire Hédon s’est attardée sur cette disposition de la loi qui autorise par la surveillance de manifestations par drones : elle considère que cette technologie particulièrement intrusive, est susceptible de porter atteinte au droit de manifester si elle est utilisée lors de rassemblements. De plus les drônes ne sont pas des outils de dialogue ou d’apaisement mais, bien au contraire, distancient certains policiers et gendarmes des manifestants qui ne peuvent même plus les voir. Comme la Défenseure des droits, les Radicaux partagent l’idée que l’instauration de la surveillance par drône et celle de la centralisation des images de cameras-piéton avec accès direct par les autorités policières, soulèvent d’innombrables problématiques quant aux garanties du public et à leurs libertés fondamentales.
Faut-il rappeler que l’usage du drône de surveillance a été interdit en mai 2020 par le Conseil d’État est en ligne de mire le spectre de la reconnaissance faciale ? il est considéré effectivement que rien ne garantissait que les images recueillies par ces appareils pilotés à distance ne seraient pas utilisées pour un « usage contraire aux règles de protection des données personnelles ». Autre bémol, une loi de 2016 a autorisé les policiers et les gendarmes à filmer leurs interventions par des « caméra mobiles ». Une condition était toutefois posée : que l’agent portant la caméra ne puisse pas accéder aux images, celles-ci ne pouvant être exploitées qu’a posteriori, lorsqu’un événement particulier survenu pendant l’intervention le justifiait. Cette condition, d’après l’avis de la CNIL, constituait une des « garanties essentielles » capables de rendre le dispositif acceptable. Cependant la proposition de loi dite « sécurité globale » propose purement et simplement de supprimer cette garantie. Non seulement l’agent pourra accéder aux images qu’il a enregistrées mais, plus grave encore, elles pourront être exploitables à tout moment.
Le recours à des technologies intrusives ne peut se faire que dans un champ d’application extrêmement borné et circonstancié sur le plan juridique, ce qui ne sera absolument pas le cas dans le dispositif proposé. Il s’agit là d’une véritable fragilisation du droit à la vie privée.
Pourquoi alors rajouter d’autres dispositions législatives ? Je crains malheureusement que nous ne soyons – mais comme nous l’avons déjà vu dans le passé – devant une opération politicienne nous sommant de choisir entre sécurité et liberté. Face à une perte d’autorité de l’Etat pourquoi l’unique réponse serait-elle un nouveau recul de nos droits fondamentaux déjà mis à mal par l’état d’urgence sanitaire depuis un an ?
Les services de sécurité de notre ville (police, gendarmerie, armée, pompiers…) doivent être soutenus dans leurs actions quotidiennes. La presse locale relate régulièrement les difficultés auxquelles ils sont exposés et parfois au péril de leurs vies. Il ne s’agit en aucun cas de faire preuve d’angélisme. Mais pourquoi faudrait-il, pour autant, qu’à chaque difficulté corresponde un nouveau texte liberticide ? La sécurité publique est la condition de nos libertés, l’un va avec l’autre, l’un n’a pas à prendre le pas sur l’autre.
Georges Clemenceau le radical disait « La République vit de libertés, elle pourrait mourir de répression » et je rajouterai de « régressions et de concessions ».
Je vous remercie.
Honoré PUIL
Président Groupe Mouvement Radical