Madame La Maire, Mes chers collègues,
Voici un an que dans le cadre de la Fabrique Citoyenne, nous avons lancé le Comité consultatif de la Laïcité. Cette instance validée en Conseil Municipal le 9 mars 2015, composée d’une quarantaine de personnes de tous bords (associations, élus et représentants de cultes religieux) s’est réunie à de multiples reprises pour dessiner et construire ce que pourrait être une charte locale de la laïcité. Je veux dès à présent remercier, féliciter René Jouquand pour la manière dont les échanges ont pu se construire au sein du comité.
Notre groupe a participé avec enthousiasme aux travaux d’autant que nous avions proposé au moment de la préparation des élections municipales de réfléchir à la mise en place d’une telle charte voire d’aller plus loin créant une maison de la laïcité.
En lançant ces travaux, nous n’imaginions sans doute pas à quel point la question de la laïcité serait à l’ordre du jour et comment une contribution comme celui-ci peut se révéler utile, comme ligne de conduite, dans l’exercice de nos mandats électifs.
Il était important de rappeler ce qu’était ce principe de laïcité en France, de faire en sorte que tout un chacun dans le comité parle bien de la même chose, que le positionnement des uns et des autres parfois différent sur tel ou tel aspect -se fasse à partir du même socle.
Le comité a donc rappelé que la laïcité était une conception de la société visant à la neutralité réciproque des pouvoirs spirituels et religieux par rapport aux pouvoirs politiques, civils et administratifs. Cette conception qui n’est pas antireligieuse se fonde sur un principe de séparation juridique des églises et de l’Etat (c’est la loi de 1905) qui elle-même emporte deux conséquences : l’Etat est neutre en matière religieuse mais il assure aussi la liberté de conscience, le droit de croire ou de ne pas croire. « La loi protège la foi aussi longtemps que la foi ne vient pas dicter la loi » écrivait Gambetta. La laïcité républicaine qui repose sur la raison, mais aussi le doute telle que voulu par les Radicaux sous la IIIème république (même si je n’ignore rien des nuances qui pouvaient exister entre un Aristide Briand, socialiste et un Emile Combes, radical), n’est pas un dogme dirigé contre la liberté de conscience. Tout au contraire, elle est la garantie de cette liberté.
Ce rappel était bienvenu dans le cadre des travaux du comité. Il est encore plus utile à la lumière des débats, propos qui traversent notre société depuis quelques années et quelquefois jusqu’à l’hystérie. Faut-il rappeler qu’il n’y a pas de laïcité heureuse ou malheureuse, de laïcité positive ou négative, de laïcité tolérante et une autre qui serait intolérante. Qu’il n’y a pas d’accommodements à trouver avec ce principe comme certains ont trop souvent cherché à le faire, et ce, sur l’ensemble de l’échiquier politique ! Que du droit à la différence suggéré, parfois mis en œuvre, à droite comme à gauche à la différence des droits il n’y a qu’un pas que la France s’est toujours refusée à franchir au nom de notre modèle républicain et laïc. C’est le philosophe Henri Péna-Ruiz qui vient rappeler que lorsqu’une nation est marquée par une diversité croissante des origines culturelles, seul un cadre politique et juridique fondé sur des principes universels garantit l’intégration de tous !
Il y a une laïcité, celle de la loi de 1905,qui interdit que les options confessionnelles pèsent sur la délibération publique et qu’en conséquence elle s’érige en rempart de neutralité absolue contre les influences des religions sur les institutions publiques.
C’est ce principe de neutralité qui a guidé nos travaux. Autant dire que notre groupe politique est assez largement d’accord avec beaucoup de conclusions, de propositions (très nombreuses) mais que sur quatre points nous marquons notre différence.
Bien entendu, il y aurait beaucoup à dire sur le financement des écoles privées catholiques mais il ne revenait pas au comité de réécrire la loi. Dont acte. Il n’empêche qu’un jour si d’autres demandes venaient à advenir que le législateur aurait à trancher à savoir décider de financer tout le monde ou personne. L’égalité ne peut pas être à dimension variable en favorisant tel ou tel culte plutôt que tel autre. Pour notre part, notre position est claire l’argent public doit aller à l’école publique.
- Un débat a occupé le comité souvent avec des positions tranchées mais à chaque fois respectueuses à savoir la question des signes religieux qui pourraient être portés par les parents (que nous, nous considérons comme des collaborateurs occasionnels du service public au sens juridique) lors des sorties scolaires. Le sujet mériterait d’être tranché dans le sens d’une neutralité (et donc d’une interdiction de signes religieux) imposée à l’ensemble de celles et ceux qui participent à un titre ou à un autre au fonctionnement du service public. L’état (puisque ce sujet dépend de lui) ne doit pas laisser les directeurs ou directrices des écoles se « débrouiller » avec ce sujet s’il venait à poser problème. Chacun se souvient des tergiversations qui ont précédées l’interdiction du voile à l’école laissant aux chefs d’établissements le soin de décider au cas par cas avec à chaque fois son lot de polémiques. Nous ne partageons pas de ce point de vue la position de l’Observatoire de la laïcité et de l’actuelle Ministre de l’Éducation Nationale. Sur ce sujet, il faut plus de clarté et ne laisser aucune prise à l’ambigüité.
- Sur la question, de l’enseignement des langues et cultures d’origines. Nous considérons que cet enseignement s’il doit avoir lieu doit se faire dans le cadre de l’enseignement public et non dans le champ associatif avec toutes les dérives possibles. Plus globalement, cependant nous préférons mettre l’accent sur ce qui rassemble, intègre, assimile, universalise comme le disait Manuel VALLS il y a peu, plutôt que sur ce qui divise.
- Sur la question de la participation des élus aux cérémonies religieuses et mémorielles, nous pensons que la présence d’élus est en contradiction avec l’article 2 de la loi de 1905 car elle revient à « reconnaître » un culte alors qu’en droit la république n’en reconnaît aucun. Mais si participation il doit y avoir il faut privilégier les cérémonies œcuméniques et patriotiques.
- Sur les lieux de cultes. Chacun sait bien que par le passé, nous avons « tordu » nos principes (et parfois le droit) pour soutenir la création de centres culturels…en fermant les yeux sur les aspects cultuels. Il faut en sortir. Il n’est pas question d’empêcher la délivrance d’un permis de construire pour tel ou tel édifice (Le front national propose de l’interdire ou le compliquer pour les seuls musulmans…démontrant ainsi qu’il n’a rien compris au principe de laïcité). En revanche, il appartient à ces religions d’en financer la construction et le fonctionnement. Mais il faudra dire aussi que si l’on ne souhaite pas de financements par des capitaux étrangers, cela devra valoir pour toutes les religions. Pas d’argent du Vatican pour les catholiques, pas d’argent russe pour l’édification d’une église orthodoxe à Paris, pas d’argent pour les musulmans en provenance du Maroc ou d’Algérie De même, la proposition consistant à s’intéresser au fonctionnement de ces lieux de culte me semble contraire au principe de neutralité. Sur cette question des lieux de culte, nous pensons que notre comité a encore beaucoup de travail que les débats à venir devront également tenir compte des réflexions en cours au niveau national. Bernard Cazeneuve a souhaité que des propositions soient faites, il y a eu l’intelligence de nommer Jean-Pierre Chevènement, pour faire certaines propositions.
Chers collègues,
Toutes les religions sont à l’offensive à des degrés divers certes mais à l’offensive tout de même. Et d’ailleurs pourquoi ne le seraient-elles pas ? Les grandes religions du livre affirment leur vocation à l’universalité. Leur nature et leur projet fondateur débouchent donc en toute logique sur du prosélytisme. Voilà pourquoi, la République, toutes les institutions publiques ont le devoir de faire vivre la loi de 1905, de ne rien céder à celles et ceux qui veulent nous imposer une vérité révélée alors que la liberté de chacun doit être de croire ou ne pas croire. Aussi, permettez-moi de saluer l’initiative de la ministre radicale de gauche de la Fonction Publique Annick Girardin pour la mise en place de la Commission « Laïcité et Fonction Publique » (c’est une première !) avec la même mission que notre comité, celle d’apporter des réponses aux interrogations des agents de toutes les fonctions publiques confrontés aux questions quant à l’application du principe de laïcité. Mais n’oublions jamais que la meilleure façon de répondre à celles et ceux qui ne se reconnaissent pas dans les valeurs qui sont les nôtres, qui quelquefois ne connaissent même pas la religion dont ils se réclament, est de travailler inlassablement à la réalisation de la promesse républicaine à savoir l’égalité politique et sociale réelle.
Je vous remercie.